Projet En colère

Tapie

De Valérie Guimond

 

En 1990 (diras-tu de mon image), à l’âge où le craquement du vernis de la supposée naïveté laisse paraître un état brut, on se rassemblait tous les jours avec mes sœurs, mon frère pis les voisins pour jouer au baseball dans le champ derrière la maison. L’été de mes premières menstruations. Changement hormonal agressif. Larry Walker était mon idole.

Un après-midi, je me souviens d’avoir cogné la balle avec tant de force, des explosifs couleurs Expos sortis des bras, un coup mémorable. Des couinements, des exclamations succédées par mes jambes qui galopent vers la bouse de vache qui nous servait de premier but.

Un gros tas de marde qui devait être sèche s’était révélée crémeuse au beurre et pignon.

S’est suivie une révérence boiteuse ponctuée d’un aplomb, tête première. Un arrière-goût opaque et les yeux mi-clos. Un crépitement furtif.

C’est cet arrière-goût, aujourd’hui, souvenir d’être assise dans la bouse de vache, qui me remplit d’aigreur. Une sale.

Oui, on pourrait penser qu’on souhaite à tout prix être déstabilisé·e. On pourrait souhaiter être pimenté·e par quelques petites surprises pour qu’on sorte de nos ordinaires gris qui goûtent l’eau ordinaire. Mais pas par ce grondement de mou qui apparaît sous la croûte de sel, non. Ce n’est pas la jouissance d’un mi-cuit.

C’est une fureur tapie. Rien à voir avec l’orgueil.

Cette position bébête d’un semi grand écart tout croche, peu olympique, qui nous empêche de goûter le miel des choses. De nous synchroniser, nous, êtres sensibles.

Les écueils muselés qui nous saoulent de leur parfum. Cheap. Le mix quand on entrait chez Sears.

Une porosité qui s’effrite, factice, tel un pétard mouillé. Ce qu’on pensait être stable, mais qui nous fait chuter. Tout droit. Pas dans l’adrénaline submergeante du premier saut là, non plus. Le goût fantôme, celui juste avant le «abracadabra» de la fermentation. Et pouf, c’est vinaigré et amer. Je déteste tous les types de vin de toute façon.

Mon corps ne s’abrite plus.

Décalage.

Frémir de dégoût parce que désespérément, la bouse ne sera jamais sèche.